« Un acheteur d’énergie est un chercheur de solutions »
Pour Frédéric Catherin, codirigeant du bureau d’études Eikla (anciennement Energie3 Prowatt), un acheteur d’énergie est avant tout un chercheur de solutions, pas un négociateur, ni un cost-killer. Cet expert intervient comme formateur dans le cadre la formation thématique « Les achats d’énergie » du dispositif PROREFEI piloté par l’ATEE.
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A quels publics s’adresse la formation en achats d’énergie ?
Nos stagiaires sont généralement issus de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire. Nous accueillons aussi des représentants d’importants industriels notamment de l’agro alimentaire ou encore des sous-traitants du monde de la mécanique et de la plasturgie. Les profils de personnes formées sont assez différents. Il s’agit de directeurs financiers, de patrons de PME, de responsables techniques ou encore d’acheteurs multifamille pour lesquels l’énergie est un sujet parmi d’autres. Ces professionnels ont cependant un point commun : Ils sont confrontés a minima tous les deux ou trois ans au renouvellement de leurs contrats de fourniture de gaz et/ou d’électricité et jugent indispensable d’accroitre leur maitrise de ces sujets.
Quels sont les attentes de vos stagiaires ?
L’énergie est une vraie boite noire qu’il faut apprendre à décrypter. Les stagiaires apprécient l’effort de vulgarisation déployé dans le cadre de la formation achats d’énergie, malgré la complexité du sujet. Ils attendent une ouverture, des cas d’usage, des retours d’expériences pour s’en inspirer et être en mesure de challenger leurs fournisseurs d’énergies. Ils ne deviennent pas des experts, mais sont plus aguerris, grâce à l’acquisition d’un vocabulaire spécifique et de clés de langage, la transmission d’informations sur les nouveaux contrats et des notions de prospective tarifaire ou marché. Ils ont compris la notion d’horosaisonnalité – la fluctuation du prix de l’électricité selon les heures et les saisons – et sont capables de gérer un appel d’offres. Dernièrement, j’ai conseillé à un groupe de passer d’un contrat à prix fixe à un contrat horosaisonnier, car leurs établissements consomment davantage d’électricité en été pour la climatisation qu’en hiver pour le chauffage. Le gain total a dépassé les 50.000 euros par an.
Bien entendu, tout dépend de l’appétence des entreprises pour le sujet de l’énergie et de ce que le gaz et l’électricité représentent dans leurs structures de coûts. Certains préfèrent une facture lissée, d’autres cherchent la performance économique et financière et acceptent donc les risques associés.
Quelles notions vous paraissent essentielles ?
Pour moi, un acheteur d’énergie est avant tout un chercheur de solutions, ce n’est pas un négociateur ni un cost-killer. Il doit trouver le meilleur produit en fonction du besoin : un contrat à prix fixe sur trois ans ou un montage complexe avec bloc+spot, etc.
Je considère que mon rôle est aussi de casser les idées reçues. Dire que plus une entreprise est grosse, mieux elle achète est faux ! L’important c’est d’acheter avec le bon contrat et surtout au bon moment. Pour ce faire, il est essentiel de comprendre qu’un contrat de fourniture d’énergie n’est pas figé ; c’est un document vivant. Attendre la fin du contrat pour le renégocier, c’est comme espérer une promo la veille des vacances, c’est risqué ! Les achats de gaz et d’électricité c’est quelque chose qui se fait en continu. Il s’agit d’être attentif au marché afin de saisir les opportunités quand elles se présentent. On peut également travailler les termes de transport, les taxes, etc. Et quand un contrat a été mal signé il est possible de le renégocier. Mais attention à ne pas ignorer la réalité du marché. Les prix sont volatils certes, mais ils dépendent également d’une réalité technique. Sur le gaz naturel par exemple, le point bas d’avant crise à 15 euros le mégawatheure est remonté à plus de 25 euros ces dernières années car le gaz est moins importé par pipeline de Russie mais davantage par bateaux des Etats-Unis et de la péninsule arabique sous forme de gaz naturel liquéfié. Il y a donc un surcoût lié à sa compression/décompression et à son transport.
Comment la formation PROREFEI s’est-elle adaptée aux besoins des professionnels ?
La formation thématique PROREFEI en achats d’énergie, pilotée par l’ATEE, a beaucoup évolué depuis sa création en 2020. Au départ, la formation était concentrée sur une demi-journée et traitait des marchés de l’électricité, du gaz, du fioul et du propane. Sa durée a été étendue à une journée entière et elle se focalise sur les achats de gaz et d’électricité uniquement, ce qui est déjà un sujet vaste.
Quels sont les enjeux à venir en matière d’achats d’énergie ?
La multiplication des centrales de production d’énergies renouvelables pourrait conduire à ce que la production d’électricité soit fortement décorrélée de la consommation. Or l’électricité se stocke mal : Les batteries n’ont pas atteint le seuil de la rentabilité et les installations de transfert d’énergie hydroélectrique par pompage ne sont pas assez nombreuses. Dans ce contexte, de nouveaux signaux de prix vont être mis en place avec l’objectif d’inciter à consommer pendant les périodes où l’énergie est abondante et peu coûteuse. Le gestionnaire du réseau Enedis parle de placer des heures creuses dans l’après-midi. L’enjeu est critique, car ne pas consommer l’énergie peut entrainer un effondrement de la totalité du réseau. D’ailleurs, le black-out qui s’est produit en Espagne et au Portugal le 28 avril dernier avait peut-être pour cause un surcroît de production d’énergie photovoltaïque…
Témoignages